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1899. Réforme sociale ou Révolution. Partie 2, chapitre 2. "À cause du développement de l’économie mondiale, de l’aggravation et de la généralisation de la concurrence sur le marché mondial, le militarisme et le marinisme, instruments de la politique mondiale, sont devenus un facteur décisif de la vie extérieure et intérieure des grands Etats."

Conclusion de la 2eme partie, chapitre 2 ( Les syndicats, les coopératives et la démocratie politique), qui constitue une amorce de réflexion sur la démocratie politique à l'ère de la politique mondiale.

Citations:

 

À cause du développement de l’économie mondiale, de l’aggravation et de la généralisation de la concurrence sur le marché mondial, le militarisme et le marinisme, instruments de la politique mondiale, sont devenus un facteur décisif de la vie extérieure et intérieure des grands Etats. Cependant si la politique mondiale et le militarisme représentent une tendance ascendante de la phase actuelle du capitalisme, la démocratie bourgeoise doit alors logiquement entrer dans une phase descendante. En Allemagne, l’ère des grands armements, qui date de 1893, et la politique mondiale inaugurée par la prise de Kiao-Tchéou, ont eu pour compensation deux sacrifices payés par la démocratie bourgeoise : la décomposition du libéralisme, et le passage du Parti du Centre de l’opposition au gouvernement. Les dernières élections au Reichstag, en 1907, qui se sont déroulées sous le signe de la politique coloniale allemande, marquent l’enterrement historique du libéralisme allemand.

La politique extérieure jette donc ainsi la bourgeoisie dans les bras de la réaction ...

A lire sur le site marxist.org

 

Nous devons donc renoncer à établir une loi historique universelle du développement de la démocratie, même dans le cadre de la société moderne ; si nous nous tournons vers la phase actuelle de l’histoire bourgeoise, nous constatons, ici aussi, dans la situation politique, l’existence de facteurs qui n’entrent pas dans le cadre du schéma de Bernstein, mais conduisent au contraire à l’abandon, par la société bourgeoise, des conquêtes obtenues.

 

D’une part, les institutions démocratiques - c’est un fait important - ont terminé leur rôle dans le développement de la société bourgeoise. Dans la mesure où elles ont aidé à l’unification des petits Etats et contribué à la création de grands Etats modernes (Allemagne, Italie) elles ont épuisé leur utilité. Le développement économique a, entre temps, achevé l’œuvre de cohésion interne des Etats.

 

On peut faire les mêmes remarques à propos de toute la machine politique et administrative de l’Etat passant d’un organisme féodal ou semi-féodal à un mécanisme capitaliste. Cette transformation, historiquement inséparable du développement de la démocratie, est aujourd’hui si complètement achevée que les composantes purement démocratiques de la société, le suffrage universel, le régime républicain, pourraient être supprimées sans que l’administration, les finances, l’organisation militaire eussent besoin de revenir aux formes antérieures à la Révolution de mars 1848, en Allemagne.

 

On constate donc que le libéralisme est devenu comme tel inutile à la société bourgeoise, il en entrave même le développement à d’autres égards. Il faut mentionner ici deux facteurs qui dominent toute la vie politique des Etats actuels : la politique mondiale et le mouvement ouvrier - l’un et l’autre n’étant que deux aspects différents de la phase actuelle du capitalisme.

 

À cause du développement de l’économie mondiale, de l’aggravation et de la généralisation de la concurrence sur le marché mondial, le militarisme et le marinisme, instruments de la politique mondiale, sont devenus un facteur décisif de la vie extérieure et intérieure des grands Etats. Cependant si la politique mondiale et le militarisme représentent une tendance ascendante de la phase actuelle du capitalisme, la démocratie bourgeoise doit alors logiquement entrer dans une phase descendante. En Allemagne, l’ère des grands armements, qui date de 1893, et la politique mondiale inaugurée par la prise de Kiao-Tchéou, ont eu pour compensation deux sacrifices payés par la démocratie bourgeoise : la décomposition du libéralisme, et le passage du Parti du Centre de l’opposition au gouvernement. Les dernières élections au Reichstag, en 1907, qui se sont déroulées sous le signe de la politique coloniale allemande, marquent l’enterrement historique du libéralisme allemand.

 

La politique extérieure jette donc ainsi la bourgeoisie dans les bras de la réaction - mais la politique intérieure l’y pousse aussi : la montée de la classe ouvrière. Bernstein le reconnaît lui-même : pour lui la légende de l’ogre social-démocrate, autrement dit l’orientation socialiste de la lutte ouvrière, est responsable de la trahison de la bourgeoisie libérale. Il conseille donc au prolétariat, pour rassurer le libéralisme effrayé et le faire sortir du repère de la réaction où il s’est réfugié, d’abandonner le but final du socialisme. En faisant ainsi de l’abandon du socialisme une condition première, des prémisses sociales de la démocratie bourgeoise, il démontre d’une manière éclatante à la fois que la démocratie contredit l’orientation interne actuelle de l’évolution sociale, et que le mouvement ouvrier est un résultat direct de cette orientation.

 

Mais il prouve encore autre chose : il prétend que la condition essentielle d’une résurrection de la démocratie bourgeoise est l’abandon par la classe ouvrière du but final du socialisme ; par là même, il démontre à l’inverse la fausseté de son affirmation selon laquelle la démocratie bourgeoise est une condition indispensable du mouvement et de la victoire socialistes. Ici, l’argumentation de Bernstein se meut dans un cercle vicieux : sa conclusion anéantit ses propres prémisses.

 

Pour sortir de ce cercle, il suffit de reconnaître ce que le libéralisme bourgeois a rendu l’âme, épouvanté par le développement du mouvement ouvrier ; on conclura que le mouvement ouvrier socialiste est aujourd’hui le seul soutien de la démocratie, il n’en existe pas d’autre. On verra alors que ce n’est pas le sort du mouvement socialiste qui est lié à la démocratie bourgeoise, mais inversement celui de la démocratie qui est lié au mouvement socialiste. On constatera que les chances de la démocratie ne sont pas liées au fait que la classe ouvrière renonce à la lutte pour son émancipation, mais au contraire au fait que le mouvement socialiste sera assez puissant pour combattre les conséquences réactionnaires de la politique mondiale et de la trahison de la bourgeoisie.

 

Quiconque souhaite le renforcement de la démocratie devra souhaiter également le renforcement et non pas l’affaiblissement du mouvement socialiste ; renoncer à la lutte pour le socialisme, c’est renoncer en même temps au mouvement ouvrier et à la démocratie elle-même.

Tag(s) : #Impérialisme. Rosa Luxemburg
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