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Frontispice de Frans Masereel. Pour Le champ des horreurs de Henri Guilbeaux 1917. "Qu'ai-je fait, fils de Wilhelm, Moi, l'internationaliste, moi l'antimilitariste, moi, l'ennemi de Krupp et du Creusot, le dénonciateur quotidien du brigandage mondial !"

Frontispice de Frans Masereel. Pour Le champ des horreurs de Henri Guilbeaux 1917. "Qu'ai-je fait, fils de Wilhelm, Moi, l'internationaliste, moi l'antimilitariste, moi, l'ennemi de Krupp et du Creusot, le dénonciateur quotidien du brigandage mondial !"

KARL LIEBKNECHT

Dans la salle chargée de gens, toute peuplée de fluides, docte et solennel, discourt le chancelier.

« La guerre est déclarée — il me faut les crédits. »

Et tous les députés, unanimes, se lèvent, tous se dressent, tous adhèrent, tous.

Celui-ci aussi ! - le regard aigu, le front volontaire, il prête sa force à ces pusillanimes !

Et sa main nerveuse recampe ses binocles indécis et tombants.

Il a voté — il a voté, celui-ci, aussi !

Quittant la salle, oubliant ses amis, il va, il marche et longe le canal, regardant, distrait, les chalands amarrés, l'alignement géométrique des maisons régulières, et les taches mobiles des gens sur la chaussée.

Il va, il marche,


il a voté — il a dit : « oui », par discipline, par discipline.

Le sablier du temps se vide, Le sang des peuples jaillit, partout sont éructés le fer, le feu, et partout s'amoncellent la détresse et les iniquités ; les journaux ne sont plus que récits d'horreurs et menteurs.

A Berlin, on annonce la révolution à Paris, dans la capitale de France, on imprime la mort de Liebknecht.

« Qu'ai-je fait, fils de Wilhelm, Moi, l'internationaliste, moi l'antimilitariste, moi, l'ennemi de Krupp et du Creusot, le dénonciateur quotidien du brigandage mondial ! »

Il va, il marche.

Il a voté, il a dit : « oui », par discipline, par discipline.

Cosaques, ulilans, Belges, Français, Serbes, Anglais s'entretuent, la terre absorbe le sang, le fer bocarde la chair, les maisons brûlent, les femmes et les enfants pleurent, et ministres, diplomates, politiciens, journalistes vont en auto, couchent avec des actrices célèbres et amplement s'empiffrent.

Et lui, il songe, il médite et tout d'un coup sursaute.

Son regard devient colère, son front est volonté : — Guerre à la guerre, sus aux gouvernements, sus à la discipline, vive l'Internationale !


Et Karl, fils de Wilhelm Liebknecht, regroupe ses énergies, et le voici qui renaît poète de l'action.

- Guerre à la guerre, la grève, l'insurrection, l'action des masses.

Et le front haut, le regard d'acier, renié par ses propres amis, seul peut-être — mais qu'importe !

recréant l'idéal révolutionnaire, il profane la discipline, comme une hostie.

Il harangue la foule ; au peuple il adresse des messages, et quand le chancelier réclame encore confiance et crédits, sans peur et résolu, il répond : « Vous n'aurez pas ma voix ».

Conspué, honni, il est souillé d'injures sordides, ses camarades l'appellent fou, anarchiste, énergumène.

Mais Karl, fils de Wilhelm, volontaire comme le roc, demeure vaillant contre le courant tumultueux des clameurs délétères.

— Guerre à la guerre, la grève, l'insurrection, l'action des masses.

Il épelle ces mots, les énumère sans trêve ; son appel rayonne sur les peuples qu'on tue, il ranime les courages, il ressuscite la foi, L'avenir reparaît tout vert, ponctué de fleurs d'or.

Mais voici qu'on l'incorpore, et qu'un vil uniforme plombe le corps d'un homme libre.


— Guerre à la guerre, répond Liebknecht.

On l'arrête, on l'incarcère, on le menace, on le juge.

—r Guerre à la guerre, vive la Révolution ! clame * - Karl, fils de Wilhelm.

r.:' * Et malgré l'universelle et pesante oppression d'acier, malgré les fusils, les mitrailleuses, malgré la férocité militaire, ça et là, des hommes répondent à l'appel du héros, et c'est partout une germination claire et totale d'espoirs joyeux, Soldat Liebknecht, forçat Liebknecht, cordonnier Liebknecht,

Nous t'acclamons, nous t'embrassons, tu as aimanté toutes les forces viriles, tu as fusionné toutes les énergies demeurées pures et vi vaces, tu as renoué solidement les liens des peuples — les liens rompus par nos maîtres, — les liens cassés par les traîtres.

On t'a couronné de la pourpre de la folie, mais cette pourpre, ô Liebknecht, t'auréole et te transfigure, c'est le rouge triomphal de la révolution le labarum des ouvriers, des opprimés, des révoltés.

Les peuples publient ton nom, ta gloire, loin de toi les valets, les esthètes, les timides, ils ne sont pas dignes d'épeler les syllabes de ton nom,

camarade Karl Liebknecht ; tu es la vertu, tu es l'audace : gloire à toi, héros sans tache de la Révolution !

Disponible sur : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb330348744

Tag(s) : #Karl Liebknecht