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1909 - Le Mouvement socialiste. Le 1er mai au Congrès de Leipzig

Un article éclairant sur la remise en cause du 1er mai dans la social-démocratie allemande. Contre laquelle se bat Rosa Luxemburg.

 
https://archive.org/stream/mouvementsociali26pari/mouvementsociali26pari_djvu.txt
 
. Il y a longtemps que la social-démocratie manifeste peu d'enthousiasme pour la manifestation du Premier 1er mai, à cause des risques qu'elle entraîne pour les manifestants. Mais jamais congrès du parti socialiste allemand n'avait montré tant de tiédeur, j'allais écrire tant de répugnance, pour la « fête du travail ». Si bien que la presse quotidienne a pu écrire que, cette fois, les socialistes allemands avaient bel et bien étranglé le Premier Mai 
 
Le rapport est présenté par Muller, membre du Comité directeur. Il rappelle que depuis 20 ans, la question du Premier Mai est discutée dans les congrès socialistes allemands. Si le Premier Mai n'est pas mort sous ce flot d'éloquence, c'est qu'il a la vie dure. 
 
Nous avons d'ailleurs, dit l'orateur, à résoudre une question fort concrète. Il ne s'agit pas de savoir si la fête du travail doit être reportée au dimanche suivant et s'il faut cesser de chômer le 1er mai. A cet égard nous sommes liés par les décisions du congrès international. 
 
La question est de savoir dans quelle mesure nous devons secourir les milliers de compagnons qui, chaque année sont jetés sur le pavé pour avoir chômé le 1er mai. 
 
Faut-il que les fonds spéciaux de secours affectés à ces victimes soient locaux , régionaux, ou centralisés? On prétend que dans ce domaine nous devons obéir au principe de centralisation qui caractérise notre organisation. J'estime au contraire que les fonds de secours doivent être constitués là où ils sont nécessaires. 
 
Dans quelles circonscriptions faut-il établir ces fonds spéciaux. Non pas en tenant compte de la géographie politique, mais bien de la formation des centres économiques. A côté des caisses professionnelles, il est nécessaire que le parti et les autres organisations fassent quelque chose en faveur des victimes du 1er mai. On peut le faire par la vente des timbres du 1er mai, par la création d'une cotisation spéciale et extraordinaire, mais cela ne rapporterait pas grand chose, sinon des difficultés. 
 
 
La Neue Zcit a proposé que ceux-là qui ne chôment pas le 1er mai paient pour indemniser ceux qui sont victimes du chômage. On arriverait ainsi à créer un fonds considérable. 
 
Cette proposition n'est pas admissible. Nous luttons pour un idéal. Il ne faut pas qu'on puisse se libérer du devoir de fêter le 1er mai en payant 4 ou 5 francs de salaire. La proposition Kautsky n'est pas sérieuse. 
 
Muller expose ensuite et défend le projet de résolution suivant, émanant du comité directeur: 
 
« Pour préparer, dans toutes les localités, la Fête du 1er mai, il y a lieu de constituer, si possible au commencement de l'année, une commission organisatrice composée par moitié de délégués du cartel syndical (Fédération locale des syndicats) et de l'organisation du parti. 
 
Cette commission a pour mission d'organiser, en considération des situations locales et industrielles, de la façon la plus digne, la Fête du 1er Mai. Cette fête ne peut avoir lieu un autre jour que le 1er Mai.
 
Il doit être accordé des secours aux ouvriers congédiés pour avoir participé au 1er Mai et ce devoir incombe aux organisations politiques comme aux organisations syndicales. 
 
Dans ce but des fonds locaux seront créés dans les centres industriels. La délimitation de ces centres doit être soumise à l'approbation des groupes qu'elle intéresse. Les ressources de ce fonds seront créées par les organisations syndicales, au moyen de cotisations volontaires et collectes. 
 
Si le fonds ainsi constitué n'est pas suffisant ou ne peut être constitué, les secours doivent être payés par les organisations politiques et syndicales auxquelles appartiennent les victimes. Les deux groupes interviendront dans la proportion où les victimes appartiennent à leurs organisations respectives. En aucun cas, les victimes n'auront droit aux secours des caisses centrales du parti ou de la commission générale des syndicats. 
 
Si, à la suite de l'exclusion d'ouvriers ayant participé au 1er Mai, des grèves éclatent, les frais de ces grèves sont à la charge des syndicats exclusivement. » 
 
Hoffmann, de Harhbourg, Fents, de Nuremberg, Blocher, de Francfort-sur-le-Mein, protestent fortement contre ces discussions stérilisantes, qui semblent dire que la social-démocratie poutrrait renoncer au Premier Mai. Ils attaquent surtout les dirigeants des syndicats allemands, pour leur pusillanimité. 
- Blocher, notamment, s'exprime ainsi: Le parti socialiste, qui est une organisation de combat, ne peut pas se laisser influencer par le modérantisme et la prudence outrée des militants de la Cora(mission Générale des Syndicats. 
 
Les polémiques au sujet de la participation au 1er Mai semblent être menées, non pas pour nous éclairer, par enthousiasme, mais bien pour enterrer l'idée 1er Mai. 
 
N'est-ce pas humiliant que la puissante social-démocratie exerce cette influence déprimante sur la combativité de ceux qui voient dans le 1er Mai une des manifestations les plus nobles de l'idéalisme prolétarien? 
 
L'autre son de cloche est donné par Schreck, de Bielefeld. Il demande tout simplement que l'on renonce au chômage du 1er mai. Il prend argument du petit nombre habituel de chômeurs. Cela, dit-il, est un signe d'impuissance. Renonçons à une formalité inutile. 
 
Zubeil, de Berlin, riposte à Schreck. « La bourgeoisie allemande, dit-il, a fait, pour conquérir ses droits politiques, des sacrifices considérables d'hommes et d'argent. Et nous reculerions ? Il n'y a pas de luttes sans victimes et sans martyrs. La social-démocratie doit avoir le courage d'affronter pareils périls et la volonté de protéger les victimes ». 
 
Lepinski propose de faire supporter par les organisations syndicales les frais, c'est-à-dire les secours aux victimes, que nécessitera le chômage du Premier Mai. 
 
Boemelburg expose la situation de ceux qui seront jetés sur le pavé pour avoir chômé le Premier 1er Mai. Il nefaut pas, sous prétexte d'idéalisme, imposer des sacrifices trop lourds aux travailleurs. Il serait fou de demander aux syndicats de payer les frais d'une démonstraticm décrétée par nous, Congrès politique. Si vraiment il y a chômage, que les frais en soient supportés de moitié par le parti et les syndicats. 
 
La discussion continue, opposant tour à tour les arguments contraires, jusqu'au moment où Kautsky vient défendre sa proposition de décréter la fête du Premier Mai. On l'a mal compris, dit-il. Il n'a pas voulu dire que chacun des non-chômeurs verse obligatoirement 'le montant du salaire gagné le 1er Mai. Il a fait simplement appel au sentiment de solidarité des travailleurs. Il conclut ainsi : 
 
Le parti socialiste allemand est cité en exemple à la démocratie socialiste internationale. Si nous arrivions à faillir, à détruire l'une des plus belles et plus démonstratives actions de la nouvelle Internationale, notre faiblesse aurait dans les partis ouvriers des autres nations une répercussion déplorable. 
 
Après une dernière intervention du rapporteur, la motion du Comité directeur est adoptée.