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1907. Karl Liebknecht. Le prolétariat et la guerre - Extrait de la brochure Militarisme et antimilitarisme. (2). "Mais il sait également que cet essor pourrait se développer paisiblement sans le secours des armes, sans militarisme, sans brandir le trident de Neptune et sans la bestialité de notre politique coloniale..."

Source

maspero, karl liebknecht

Militarisme, guerre, révolution

Choix de textes et présentation de claudie weill

Traduction de marcel ollivier

François maspero BS17

19702. Lutte de classe contre le militarisme

P 83 - 84

 

Si nous avons caractérisé plus haut la fonction du militarisme contre l’ennemi extérieur comme une fonction nationale, cela ne veut pas dire qu’elle corresponde aux intérêts et à la volonté des peuples gouvernés et exploités par le capitalisme. Le prolétariat du monde entier n’a rien à attendre de cette politique qui rend le militarisme nécessaire vis-à-vis de l’extérieur, et ses intérêts s'y opposent même de la façon la plus flagrante. Cette politique sert directement ou indirectement les intérêts des classes dominantes du capitalisme. Avec plus ou moins d’habilité, elle s’efforce d’ouvrir la voie dans le monde entier à la production et à la concurrence absurde et meurtrière du capitalisme, foulant aux pieds tous ses devoirs culturels à l’égard des peuples moins développés ; et elle ne fait au fond rien d’autre que mettre en danger l’existence même de notre civilisation en provoquant des complications et des conflits dans le monde entier.

 

 

Le prolétariat salue le puissant essor économique de notre époque. Mais il sait également que cet essor pourrait se développer paisiblement sans le secours des armes, sans militarisme, sans brandir le trident de Neptune et sans la bestialité de notre politique coloniale s’il était au service d’une communauté dirigée de façon rationnelle, dans une atmosphère d’entente internationale et en accord avec les tâches et les intérêts de la civilisation. Il sait que notre politique mondiale a essentiellement pour but de combattre d’une façon violente et grossière, d’embrouiller les difficultés sociales et politiques internes devant lesquelles se trouvent placées les classes dirigeantes, bref une politique de confusion et de duperie bonapartistes. Il sait que les ennemis des ouvriers s’abreuvent de préférence à la source du chauvinisme, que déjà la peur de la guerre provoquée cyniquement par Bismarck en 1887, rendit d’énormes services à la plus dangereuse réaction ; c’est ainsi qu’un joli plan, établi par certaines personnalités haut placées et récemment découvert tendait, à la faveur du trouble enthousiasme guerrier, à enlever au peuple allemand, « après le retour d’une armée victorieuse », le droit de vote au Reichstag. Il sait que le bénéfice de l’essor économique auquel tend cette politique, en particulier tout le bénéfice de notre politique coloniale, ne profite qu’au patronat, au capitalisme, à l’ennemi héréditaire du prolétariat. Il sait que les guerres menées par les classes dominantes, dans leur propre intérêt lui imposent les sacrifices les plus effroyables, tant en biens qu’en vies humaines, en échange desquels on le régale, une fois le travail accompli, de misérables  pensions d’invalidité, secours aux anciens combattants, orgues de Barbarie et coups de pied au derrière de toutes sortes. Il sait qu’à chaque guerre, un lit boueux de brutalité et de grossièreté se déverse sur les peuples qui y participent et fait régresser la civilisation pour de longues années. Il sait que la patrie pour laquelle on l’oblige à se battre n’est pas sa patrie et qu’il n’y a pour le prolétariat de chaque pays qu’un véritable ennemi : la classe capitaliste qui l’opprime et l’exploite ; que le prolétariat de chaque pays est étroitement lié par son propre intérêt au prolétariat des autres pays ; que, par rapports aux intérêts communs du prolétariat international, tous les intérêts nationaux sont rejetés à l’arrière-plan et qu’à la coalition internationale des exploiteurs et des oppresseurs, il faut opposer la coalition internationale des exploités et des opprimés. Il sait que dans toute guerre pour laquelle il serait utilisé, il serait amené à se battre contre ses propres frères de classe, par conséquent à lutter contre ses propres intérêts.

 

 

C’est pourquoi le prolétariat conscient adopte à l’égard de cette tâche internationale de l’armée, comme de toute la politique d’expansion capitaliste, une attitude non seulement de froideur, mais de franche hostilité. Il a pour tâche principale de mener contre le militarisme une lutte à couteau tiré, et il en a de plus en plus conscience, ainsi que le montrent les congrès internationaux, les manifestations de solidarité entre socialistes français et allemands lors de la guerre franco-allemande, entre socialistes espagnols et américains à l’occasion de la guerre de Cuba, entre socialistes russes et japonais lors de la guerre russo-japonaise de 1940, de même que la décision prise par les sociaux-démocrates suédois en 1905 de proclamer la grève générale en cas de guerre entre la Suède et la Norvège, la prise de position de la social-démocratie allemande à l’égard des crédits militaires de 1870 et du conflit marocain, ainsi que l’attitude du prolétariat conscient à l’égard de l’intervention russe.

Tag(s) : #Militarisme. Rosa Luxemburg, #Karl Liebknecht