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http://ses.ens-lyon.fr/ressources/stats-a-la-une/levolution-de-louverture-commerciale-de-1827-a-2014

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Citations

"Mais d’autre part son caractère de classe l’oblige toujours plus à accentuer son activité coercitive dans des domaines qui ne servent que le caractère de classe de la bourgeoisie et n’ont pour la société qu’une importance négative : à savoir le militarisme et la politique douanière et coloniale"

 

1° Il [le militarisme] lui sert à défendre des intérêts nationaux en concurrence contre d’autres groupes nationaux ; 2° il constitue un domaine d’investissement privilégié, tant pour le capital financier que pour le capital industriel, et 3° il lui est utile à l’intérieur pour assurer sa domination de classe sur le peuple travailleur, tous intérêts qui n’ont, en soi, rien de commun avec le progrès du capitalisme.

1899 - Militarisme et politique douanière, extrait de Réforme sociale ou révolution?
La politique douanière et le militarisme

La deuxième condition nécessaire à la réalisation progressive du socialisme selon Edouard Bernstein est la transformation graduelle de l’État en société. C’est aujourd’hui un lieu commun que de dire que l’État actuel est un État de classe. Il faut prendre cette affirmation non pas dans un sens absolu et rigide, mais dans un sens dialectique comme tout ce qui a trait à la société capitaliste.

Par la victoire politique de la bourgeoisie, l’État est devenu un État capitaliste. Certes, le développement du capitalisme lui-même modifie profondément le caractère de l’État, élargissant sans cesse la sphère de son action, lui imposant constamment de nouvelles fonctions, notamment dans le domaine de l’économie où il rend de plus en plus nécessaires son intervention et son contrôle. En ce sens il prépare peu à peu la fusion future de l’État et de la société, et, pour ainsi dire, la reprise des fonctions de l’État par la société. Dans cet ordre d’idées on peut parler également d’une transformation progressive de l’État capitaliste en société ; en ce sens il est incontestable, comme Marx le dit, que la législation ouvrière est la première intervention consciente de la " société " dans son processus vital social, phase à laquelle se réfère Bernstein.

 

Mais d’autre part, ce même développement du capitalisme réalise une autre transformation dans la nature de l’État. L’État actuel est avant tout une organisation de la classe capitaliste dominante. Il assume sans doute des fonctions d’intérêt général dans le sens du développement social ; mais ceci seulement dans la mesure où l’intérêt général et le développement social coïncident avec les intérêts de la classe dominante. La législation de protection ouvrière, par exemple, sert autant l’intérêt immédiat de classe des capitalistes que ceux de la société en général. Mais cette harmonie cesse à un certain stade du développement capitaliste. Quand ce développement a atteint un certain niveau, les intérêts de classe de la bourgeoisie et ceux du progrès économique commencent à se séparer même à l’intérieur du système de l’économie capitaliste. Nous estimons que cette phase a déjà commencé ; en témoignent deux phénomènes extrêmement importants de la vie sociale actuelle : la politique douanière d’une part, et le militarisme de l’autre.
 
La politique douanière (sous-titre du blog)

Ces deux phénomènes ont joué dans l’histoire du capitalisme un rôle indispensable et, en ce sens, progressif, révolutionnaire. Sans la protection douanière, le développement de la grande industrie dans les différents pays eût été presque impossible. Mais actuellement la situation est tout autre. La protection douanière ne sert plus à développer les jeunes industries, mais à maintenir artificiellement des formes vieillies de production. Du point de vue du développement capitaliste, c’est-à-dire du point de vue de l’économie mondiale, il importe peu que l’Allemagne exporte plus de marchandises en Angleterre ou que l’Angleterre exporte plus de marchandises en Allemagne. Par conséquent, si l’on considère le développement du capitalisme, la protection douanière a joué le rôle du bon serviteur qui, ayant rempli son office, n’a plus qu’à partir. Il devrait même le faire ; étant donné l’état de dépendance réciproque dans lequel se trouvent actuellement les différentes branches d’industrie, les droits de douane sur n’importe quelle marchandise ont nécessairement pour résultat de renchérir la production des autres marchandises à l’intérieur du pays, c’est-à-dire d’entraver à nouveau le développement de l’industrie.

Il n’en est pas de même du point de vue des intérêts de la classe capitaliste. L’industrie n’a pas besoin, pour son développement, de la protection douanière, mais les entrepreneurs en ont besoin, eux, pour protéger leurs débouchés. Cela signifie qu’actuellement les douanes ne servent plus à protéger une production capitaliste en voie de développement contre une autre plus avancée, mais qu’ils favorisent la concurrence d’un groupe national de capitalistes contre un autre groupe national. En outre, les douanes n’ont plus la fonction nécessaire de protection de l’industrie naissante, elles n’aident plus celle-ci à créer et conquérir un marché intérieur ; elles sont des agents indispensables dans la cartellisation de l’industrie, c’est-à-dire dans la lutte des producteurs capitalistes contre la société consommatrice.

Enfin, dernier trait spécifique de la politique douanière actuelle : ce n’est pas l’industrie mais l’agriculture qui joue aujourd’hui le rôle prédominant dans la politique douanière, autrement dit le protectionnisme est devenu un moyen d’expression des intérêts féodaux et sert à les maquiller des couleurs du capitalisme.
 
 
Le militarisme (sous-titre du blog)


On assiste à une évolution semblable du militarisme. Si nous considérons l’histoire non telle qu’elle aurait pu ou dû être, mais telle qu’elle s’est produite dans la réalité, nous sommes obligés de constater que la guerre a été un auxiliaire indispensable du développement capitaliste. Aux États-Unis d’Amérique du Nord, en Allemagne, en Italie, dans les États balkaniques, en Russie, et en Pologne, dans tous ces pays le capitalisme dut son premier essor aux guerres, quelle qu’en fût l’issue, victoire ou défaite. Tant qu’il existait des pays dont il fallait détruire l’état de division intérieure ou d’isolement économique, le militarisme joua un rôle révolutionnaire du point de vue capitaliste, mais aujourd’hui la situation est différente.

 

L’enjeu des conflits qui menacent la scène de la politique mondiale n’est pas l’ouverture de nouveaux marchés au capitalisme ; il s’agit plutôt d’exporter dans d’autres continents les antagonismes européens déjà existants. Ce qui s’affronte aujourd’hui, les armes à la main, qu’il s’agisse de l’Europe ou des autres continents, ce ne sont pas d’une part les pays capitalistes, et d’autre part les pays d’économie naturelle ; ce sont des États d’économie capitaliste avancée, poussés au conflit par l’identité de leur développement. Il est vrai que le conflit, s’il éclate, ne pourra être que fatal à ce développement ; en effet, il ébranlera et bouleversera profondément la vie économique de tous les pays capitalistes. Mais la chose apparaît tout à fait différente du point de vue de la classe capitaliste. Pour elle, le militarisme est actuellement devenu indispensable à un triple point de vue : 1° Il lui sert à défendre des intérêts nationaux en concurrence contre d’autres groupes nationaux ; 2° il constitue un domaine d’investissement privilégié, tant pour le capital financier que pour le capital industriel, et 3° il lui est utile à l’intérieur pour assurer sa domination de classe sur le peuple travailleur, tous intérêts qui n’ont, en soi, rien de commun avec le progrès du capitalisme.
 
Deux traits spécifiques caractérisent le militarisme actuel : c’est d’abord son développement général et concurrent dans tous les pays ; on le dirait poussé à s’accroître par une force motrice interne et autonome : phénomène encore inconnu il y a quelques décennies ; c’estensuite le caractère fatal, inévitable de l’explosion imminente, bien que l’on ignore l’occasion qui la déclenchera, les Etats qui seront d’abord touchés, l’objet du conflit et toutes les autres circonstances. Le moteur du développement capitaliste, le militarisme, à son tour, est devenu une maladie capitaliste.

 

Dans ce conflit entre le développement du capitalisme et les intérêts de la classe dominante, l’État se range du côté de cette dernière. Sa politique, de même que celle de la bourgeoisie, s’oppose au développement social. Il cesse ainsi toujours plus d’être le représentant de l’ensemble de la société et en même temps se transforme toujours plus en un pur État de classe, ou plus exactement ces deux qualités cessent de coïncider pour devenir des données contradictoires internes de l’État. Et cette contradiction ne fait que s’aggraver de jour en jour. Car d’une part on voit s’accroître les fonctions d’intérêt général de l’État, ses interventions dans la vie sociale, son " contrôle " sur celle-ci. Mais d’autre part son caractère de classe l’oblige toujours plus à accentuer son activité coercitive dans des domaines qui ne servent que le caractère de classe de la bourgeoisie et n’ont pour la société qu’une importance négative : à savoir le militarisme et la politique douanière et coloniale. Et par ailleurs le " contrôle social "qu’il exerce est également marqué par son caractère de classe (que l’on songe à la façon dont est appliquée la protection ouvrière dans tous les pays) ...

 

 

Tag(s) : #Militarisme. Rosa Luxemburg, #Capitalisme. Rosa Luxemburg
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