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Pour le 150e anniversaire de la naissance de Karl Liebknecht, face à beaucoup de silence et d'indifférence, j'ai entamé un travail de traduction et de mise à disposition de textes et documents sur mon blog principal : comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog. Ici une lettre issue des "Lettres du front et de la geôle", en hommage à ce militant révolutionnaire, dont le combat contre le militarisme, les industries d'armement, la guerre fut un élément constant et radical. D.V.P.

"Et puis ce fut le travail du cimetière. En pleine nuit noire, les étoiles disparurent. Enlever l'herbe des tombes est terriblement dur. A chaque coup de pelle, les phosphorescences de la putréfaction dégoulinaient le long du fer comme des vers luisants."

 

Aimée,

 

Ce soir, pas de travail. Je puis donc être à toi plus tôt. Cette dernière nuit a été éreintante. J'ai failli en mourir. Quand nous sommes partis au crépuscule, cheminant à travers la haute forêt de pins, les étoiles étincelaient comme des bougies de Noël dans les arbres ... . Et puis ce fut le travail du cimetière. En pleine nuit noire, les étoiles disparurent. Enlever l'herbe des tombes est terriblement dur. A chaque coup de pelle, les phosphorescences de la putréfaction dégoulinaient le long du fer comme des vers luisants. On n'entend pas la terre qui tombe. La pelle s'enfonce dans le vide. Encore un cercueil. Odeur écrasante de pourriture. Les fusils crépitent. Les balles sifflent en passant tout près, venant de l'autre bord de la Düna. Aboiement aigu des bombes explosives, dont le coup d'arrivée, pour nos oreilles, orécède le coup de départ..Les Russes emploient beaucoup de ces grenades à fusil, de fabrication américaine sans doute. Elles manquent tout à fait de précision.

 

J'ai rampé jusqu'à la pointe de la Düna et vu pour la première fois la large étendue de l'eau du fleuve avec son reflet d'argent. Les balles des postes russes tout proches nous sifflaient aux oreilles. A dis kilomètres à peu près de notre cantonnement, qui est très visible - et de loin, les Russes ont un ballon captif qui leur rend de grands services. Le tir a été moins intense cette nuit. Les Russes travaillent à établir un réseau barbelé devant nous et se tiennent par conséquent tranquilles.

 

Maintenant, je suis assis auprès des mitrailleurs, mes voisins, des camarades du parti dans un abri chaud. Ils jouent et causent. L'un d'eux a le petit livre de chez Langewiesche, sur la peinture allemande de la première moitié du XIXe siècle: Le Jardin silencieux. Des reproductions de l'exposition du centenaire, naturellement quelque peu maltraitées. Je viens de le lire, et ainsi je me suis trouvé tout près de toi. Je ne saurais trop te le conseiller.

 

Le camarade Lohse, blessé hier, est touché aux poumons et au ventre. Il est déjà évacué mais il y a bien des risques pour qu'il meure. Il y a encore eu des pertes à l'endroit où nous travaillons.

 

Toujours rien de toi. Je t'embrasse, toi et les enfants. Ecris bientôt à

 

Ton KARLUSCHA.

Et aussi,

25 octobre 1915

... Aujourd'hui un beau temps de neige. J'ai ainsi pu me laver dans la neige. C'est une joie ... Pas de lumière, pas de papier. Pas de cigares. Presque pas de tabac ...A ce que j'entends, on m'espionne d'une façon ignoble - quel monde infame! Je t'embrasse, toi et les enfants ...

NB : le 25.10, X..., m'a fait sortir du cantonnement et m'a dit : "Il se répand dans le bataillon que vous faites de la propagande antireligieuse parmi les camarades du secteur. Je ne peux tolérer ça. Le secteur doit être un terrain neutre. Je dois vous prévenir que vous devez cesser. Si vous faites cette propagande, c'est probablement que vous espérez une pression pour hter la fin de ka guerre. - Cela pourrait être interpellé facilement comme une excitation à la sédition (je proteste). [Publication complète dans un prochain artice].

 

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