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Sur Bataille socialiste

Sur Bataille socialiste

Bracke – 14.09.1907 - Politique coloniale

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k251422j.item

 

Depuis le Congrès de Stuttgart, il s’est  élevé, dans la presse du Parti et dans les groupes en Allemagne, une vive discussion, parfois très aigre, à propos de la résolution votée sur la politique coloniale et de l'attitude de la délégation allemande à ce sujet. Elle aura sa conclusion dans le Congrès national de la démocratie socialiste allemande qui s'ouvre dimanche à Essen. On se rappelle les divers incidents qui ont eu lieu au Congrès. David avait voté le premier paragraphe de la proposition Van Kol, qui était devenue la proposition de la majorité de la commission. Deux autres délégués allemands, Ledebour et Wurm, étaient au contraire signataires, avec Henri de la Porte et Bracke, de la proposition présentée au nom de la minorité de la commission. 

C'est ce dernier texte, comme on sait, qui fut voté par le Congrès en séance plénière.

Entre temps, la délégation allemande, qui s'était réunie, avait décidé de présenter un amendement au premier paragraphe Van Kol, rédigé par David. Si l'on n'y disait plus que 1' « utilité » de la politique coloniale capitaliste pour le prolétariat était simplement « exagérée », on déclarait encore que le Congrès «ne condamnait pas en principe toute politique coloniale ».

Le texte de la minorité de la commission ayant été mis aux voix par nationalités et accepté par le Congrès, il ne pouvait plus être question ni de la proposition de la majorité, ni de celle des Allemands. La délégation allemande avait d'ailleurs donné ses vingt voix contre au début adopté par le Congrès. Le résultat ne faisait pas le compte des « coloniaux ». Van Kol essaya donc de faire revenir le Congrès sur sa décision, en demandant la mise aux voix 'd'une proposition de la délégation française, tendant à rayer purement et simplement le premier paragraphe. Mais quand un Congrès s'est prononcé, après discussion, pour un texte, est-il admissible qu'on lui propose de décider qu'il n'y aura pas de texte du tout? Aussi la délégation française, par la voix de son secrétaire Dubreuilh, déclara-t-elle que sa proposition était retirée.

Restait à mettre aux voix, par nations, l'ensemble de la résolution amendée.

Quand on interrogea la nationalité allemande, David, sans avoir consulté personne, répondit Non. Des clameurs s’élevèrent parmi les délégués de l'Allemagne, dont beaucoup n’étaient déjà, pas trop contents d'avoir voté une première fois contrairement à l’opinion de l’énorme majorité du Parti démocrate socialiste. Il s'ensuivit un des rares moments de tumulte du Congrès, le président Singer n'y put mettre fin qu'en 'faisant voter la délégation allemande à 'mains levées ‘. Le non fut changé en oui. Ce sont ces incidents auxquels se mêlent d'autres petits faits accessoires qui ont provoqué toute une polémique qui aura son terme à Essen. En eux-mêmes, ils constituent une question intérieure du Parti en Allemagne, dont il n'y aurait même pas à s'occuper chez nous s'ils n'avaient montré la ténacité de quelques-uns à tâcher d'amener l'Internationale à prendre, vis-à-vis de la politique coloniale, une attitude toute nouvelle.

Qu'y a-t-il donc au fond de cette persistance à inventer une « politique coloniale socialiste » ? Le vieux révisionnisme ou « opportunisme », qui n'est pas mort à Amsterdam, qui n’a fait que s'appliquer à d'autres sujets.

C'est toujours le besoin de « collaborer » avec la classe capitaliste, de mettre la main à sa politique, d'obtenir d'elle une « conduite socialiste ». Et les hommes qui défendent cette utopie des utopies sont ceux qui se décernent un brevet de « gens pratiques » et accusent d’immobilité, d'inaction, d’aveuglement, de rêverie, les socialistes les qui voient le maximum d’«  action » pratique dans la lutte contre le capitalisme sous toutes ses formes.

En refusant de les suivre, l'Internationale a échappé à un grave danger. Elle s'est rappelée d'abord ce que disait la résolution d’Amsterdam.

Que le Parti décline toute responsabilité quelle qu'elle soit dans les conditions politiques et économiques basées sur la production capitaliste', et ne saurait, par suite, approuver aucun des moyens de maintenir au pouvoir la classe dominante.

Elle a renouvelé, par conséquent, l'interdiction qui gêne tant certains députés d’Allemagne et d’ailleurs peut-être ? de voter à l'occasion des crédits pourles expéditions coloniales. Elle est restée conséquente avec le point de vue du socialisme moderne, qui combat la société capitaliste qu’il a devant lui, qui connaît la seule « politique coloniale » existante et sait qu'elle est un instrument d'exploitation et d'oppression, une fatalité de conquête et une menace perpétuelle de guerres.

Que disent les partisans d'une prétendue « politique coloniale socialiste » ? Qu'ont dit Bernstein, David et d’autres, comme Terwagne à la commission ? 7 Il y a toujours eu des colonies et il y en aura toujours. Une société socialiste aura, elle aussi, des relations à établir avec les nations éloignées et inférieures en civilisation. Elle aura besoin des produits des terres d’outre-mer. De là la nécessité d'une colonisation et d'une politique coloniale que nous aurions à inaugurer dès à présent.

Mais quelle façon d'entendre l'histoire que de mettre arbitrairement sous un môme nom des phénomènes produits par des sociétés différentes. On a été jusqu'à baptiser « politique coloniale » les antiques migrations des peuples. L’argument tiré du besoin des produits tropicaux ne rappelle pas mal l’ironique chapitre où Montesquieu!; l'esclavage des noirs par la nécessité pour l'Européen de se procurer du sucre et du café.

Et puis, qu'est-ce que ce raisonnement ? Une société socialiste aura des rapports commerciaux avec les populations « arriérées » par conséquent, nous ne devons pas condamner « en principe » le colonialisme.

Si l'on veut goûter toute l’absurdité de ce raisonnement, on n'a qu'à l'appliquer à un autre sujet, le militarisme par exemple.

Que dirait-on au camarade qui viendrait affirmer que le Parti socialiste ne doit pas « condamner en principe » tout militarisme, parce qu'il n'est pas impossible qu'une société collectiviste un jour soit attaquée par des populations « arriérées » contre lesquelles il lui faudrait un organisme de défense ? On le conspuerait ou on lui rirait au nez. Et si l'on prenait la peine de discuter, on lui répondrait qu'il est ridicule d'appeler « militarisme » ce qui n'en serait pas que le socialisme n'existe qu'en fonction de la société capitaliste que sa mission est d'en faire sortir les éléments qu'elle contient pour sa propre destruction et l'instauration d'une société nouvelle qu'il n'a donc pas à légiférer pour des conditions qui existeront un jour qu'il ne connaît comme « militarisme » que l'ensemble, de faits le constituant actuellement qu'il le condamne et le combat, en pratique comme en principe, en principe comme en pratique.

De même pour, la politique coloniale. Elle signifie et ne peut pas signifier exploitation, domination, vol et brigandage. Elle a beau se déguiser en « pénétration pacifique » elle aboutit fatalement aux hauts faits rapportés en ce moment du général Drude au Maroc. Stuttgart a pourvu a ce qu'en' ce point encore le socialisme restât fidèle à lui-même; Ni un homme ni un sou. BRACKE. °.

Tag(s) : #Colonialisme. Rosa Luxemburg
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